Nous ne voulions pas vous parler de minimalisme sans évoquer dans un premier temps la provenance, l’histoire de ce mot et de ce mouvement. Comment est-il né, d’où vient-il exactement, comment tout cela a commencé ? Si on veut pouvoir raconter l’origine du minimalisme, il faut déjà définir de quoi on parle. Si le terme “minimaliste” est souvent utilisé pour décrire la simplicité, il se retrouve dans différents domaines. Car il n’existe pas un seul mouvement minimaliste, mais plusieurs, relativement différents les uns des autres. On retrouve ce terme aussi bien dans le domaine de l’art, de l’architecture, en design, dans la mode ou encore dans la musique. Mais on parle aussi bien sûr de minimalisme lorsque l’on souhaite aborder les thèmes du désencombrement, de la sobriété heureuse, de la décroissance ou de la simplicité volontaire. Laissez-nous vous parler aujourd’hui de ces différents types de minimalismes et de leur genèse.
Un minimalisme, des minimalismes
En 1919, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une école mêlant arts et architecture apparaît en Allemagne, l’école du “Bahaus”. Elle prône un retour à des objets simples et élégants, des logements fonctionnels et dépouillés. L’idée est de créer des objets universels et accessibles à tous. Il faut que l’art puisse s’inviter dans le quotidien des hommes tout en fabriquant des objets de façon industrielle. Les artisans du Bahaus cherchent donc à créer des objets aux formes simples et épurées, sans ornement, et nécessitant un minimum d’éléments et de matériaux. L’école ne survivra pas à la montée du nazisme et devra fermer ses portes.
Son directeur de l’époque, Ludwig Mies van der Rohe, un architecte allemand, va alors s’exiler aux Etats-Unis. Il emporte avec lui les bases du minimalisme. Il prône en effet l’idée du “less is more”, une phrase assez intraduisible, qui donnerait mot-à-mot “moins c’est plus”. Son idée est de revenir à des éléments simples, épurés, sobres, en un mot d’aller à l’essentiel. Et pour cela, il faut parfois supprimer les artifices (less) pour revenir à ce qui est indispensable et qui améliore notre vie (more).
Cette façon de penser l’architecture et l’art en se basant sur l’économie maximale des moyens se développe alors peu à peu aux Etats-Unis dans les années 1960. On retrouve cette recherche d’épure artistique auprès de certains peintres tels que Frank Stella, Donald Judd ou encore Yves Klein et ses toiles monochromes. Ces œuvres sont réalisées en réaction à d’autres courants de peinture très chargés en informations et en détails visuels (expressionnisme abstrait, pop art, etc.). Pour Franck Stella, l’art est simple : “what you see is what you see” (“ce que vous voyez, c’est ce que vous voyez”) disait-il à propos de ses œuvres.
Ce mouvement continuera ensuite de se développer jusqu’à nos jours dans d’autres arts tels que la danse, la musique, le graphisme et le design, voir même la littérature, les films ou la conception de vêtements. Concernant le graphisme minimaliste par exemple, on va vers la simplification des formes, que ce soit dans les logos, la signalétique, les pictogrammes, la typographie, ou encore les emballages. Un emballage “minimal” ne doit garder que les informations essentielles (dessin épuré, formes géométriques simples, aplats de couleur unis, etc.) tout en étant reconnaissables. L’extrême simplicité doit être belle.
L’origine du minimalisme en tant que mode de vie
Mais le minimalisme, c’est aussi un mode de vie prônant la décroissance et une forme de sobriété heureuse, ou de simplicité volontaire.
En effet, le minimalisme en tant que mode de vie consiste à revenir à l’essentiel, à revoir ses possessions matérielles, à se débarrasser des objets superflus, et à posséder moins pour vivre mieux.
Ce mode de vie s’est répandu au sein de la société occidentale en partie en réponse à la surconsommation. Il s’inscrit en rejet d’une société ultra-capitaliste dans laquelle seul l’argent a de la valeur. Une société dans laquelle nous sommes mesurés et jugés par les achats que nous faisons et les possessions que nous accumulons. Ce que nous possédons finit alors par nous posséder.
Au Japon, où les concepts de beauté et de simplicité se confondent, Dominique Loreau a su concilier minimalisme esthétique et minimalisme en tant que mode de vie. Elle nous invite, dans son livre “l’Art de la simplicité” paru en 2005, à trier, à désencombrer notre intérieur, à réduire nos achats compulsifs, et de manière générale à adopter un mode de vie plus frugal.
Les Japonais Fumio Sasaki et Marie Kondo sont également considérés comme des pionniers du minimalisme tel qu’on l’entend aujourd’hui. Marie Kondo donne ainsi des conseils à la fois en rangement et en développement personnel. Elle nous invite à ne nous entourer que d’objets beaux et utiles qui provoquent une émotion positive et nous rendent heureux.
Ainsi, le minimalisme “nouvelle génération” nous invite à un retour à l’essentiel dans nos vies et nos modes de consommation. En se séparant des possessions matérielles inutiles, on se simplifie la vie et on revient aux vraies priorités. On recherche le bonheur non pas par les choses que l’on possède, mais par les expériences que l’on fait, et les personnes que l’on rencontre. On retrouve la devise “moins, c’est plus” : moins d’objets pour plus de temps, plus d’expériences, de satisfaction et de liberté.
Pour Joshua Fields Millburn et Ryan Nicodemus, le duo américain de The Minimalists, l’important est de se rappeler : “Love people, use things, because the opposite never works.” Autrement dit : “aime les autres, utilise les choses, parce que l’inverse ne marche jamais”. Selon eux, ce ne sont pas forcément les possessions matérielles qui posent problème, mais il faut dans ce cas privilégier la qualité à la quantité. Choisir des objets qui apportent une valeur, une émotion à notre vie. Et surtout, il revient à chacun de déterminer ses besoins réels et de déterminer ce qui est superflu de ce qui est essentiel. Il y a donc autant de minimalismes que de minimalistes.
Néanmoins, penser que le minimalisme signifie seulement trier et vider ses placards serait passer à côté d’une dimension bien plus large et spirituelle de cette philosophie de vie.
La genèse de la philosophie minimaliste
En effet, les débuts du minimalisme sont bien plus anciens. Un certain nombre de penseurs, philosophes et leaders spirituels ont prôné tout au long des siècles le dépouillement et la sobriété.
Sans vouloir caricaturer, nous pensons par exemple à Siddhārtha Gautama, prince indien du VIè siècle avant J.-C. qui a répandu l’enseignement bouddhiste. Le cheminement qui l’a amené à devenir Bouddha est notamment passé par le renoncement à son titre et à la possession de ses biens matériels et par une vie d’ascète. Ainsi le bouddhisme prône l’idée que le bonheur ne peut se bâtir sur nos richesses matérielles, rejoignant la philosophie minimaliste actuelle du “vivre mieux avec moins”.
En 300 avant J.-C., Epicure lui aussi prônait une philosophie proche du minimalisme tel que nous l’entendons actuellement. Contrairement à ce que l’on imagine, il ne cherchait pas à tout prix le plaisir, mais plutôt l’absence de douleur. Celle-ci passant par un mode de vie simple, frugal, évitant les excès car selon lui : “être heureux, c’est savoir se contenter de peu”.
Au fil des siècles, bien d’autres figures célèbres nous ont invité à une vie simple pour un retour à des valeurs essentielles (bonheur, sérénité, générosité, liberté, etc.) : Saint-François d’Assise, Henry David Thoreau, Gandhi ou plus proche de nous, Pierre Rabhi par exemple. Tous ont posé les bases du mode de vie décroissant, écologique et minimaliste que nous connaissons aujourd’hui.